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Copyright 2003 Le Figaro  
Le Figaro

February 6, 2003

SECTION: DEBATS ET OPINIONS, EDITORIAL

LENGTH: 481 words

HEADLINE: Powell a dit

BYLINE: Yves THREARD

BODY:
Alors, convaincus ? Le monde etait exhorte a ' prendre bien note ', selon la formule de la Maison-Blanche. Nous avons vu, nous avons ecoute. Ce n'etait pas du Spielberg. L'heure etait grave. La mise en scene etait sobre. D'une voix reguliere, quatre-vingts minutes durant, Colin Powell a parle, prononce des mots qui effraient, accable le regime voyou de Bagdad, montre des diapositives illisibles, diffuse des enregistrements inaudibles, tente de demontrer que la guerre est obligatoire. Et que savons-nous de plus, nous autres, opinions publiques ? Pas grand-chose. D'ailleurs, sommes-nous en mesure de juger ?

La television a parfois ceci de pernicieux, c'est qu'elle fait de nous les otages, les victimes du monde qui nous entoure. Sans elle, des terroristes n'auraient peut-etre pas frappe les tours du World Trade Center. Un symbole. Sans elle, les Etats-Unis ne chercheraient pas a nous rendre complices d'une guerre qu'ils ont decidee.

Colin Powell a presente des arguments dont seuls les experts peuvent estimer la pertinence. Preuves intangibles, presomptions, faisceau d'indices ?

Aux mensonges de Saddam Hussein s'ajoutent sans doute ceux de l'Administration americaine. La verite, disait Churchill, est trop importante pour ne pas etre protegee par des mensonges.

Et la verite nue, c'est que l'Amerique blessee du 11 septembre a soif de vengeance, a besoin de reaffirmer sa force. Elle pourrait en user contre la Coree du Nord. Elle pourrait s'en prendre au Pakistan, pays dote de l'arme nucleaire et sanctuaire terroriste. Mais elle a choisi l'Irak comme epouvantail. Une vieille connaissance qui a deja tenu tete a la famille Bush. Bien sur, il y a l'enjeu petrolier, mais il ne suffit pas a expliquer la determination americaine.

L'orgueil d'abord.

Face a cette volonte de puissance, la plupart des responsables de la planete ne peuvent rien. D'une facon ou d'une autre, ils sont les obliges de Washington-capitale-du-monde. Elle est le premier partenaire commercial de l'Asie. Les Etats arabo-musulmans ont besoin de son aide economique. Les anciens pays du bloc sovietique doivent assurer leur securite. Quant a l'Europe, politiquement inexistante, elle n'a pas d'autre choix que l'atlantisme. Meme la France, qui agite son droit de veto, a semble hier, par la voix de Dominique de Villepin, mettre un peu d'eau dans son vin. Quant a l'ONU, elle est dans la main des Americains. Ce n'est pas en quelques jours que ses inspecteurs decouvriront l'objet du delit irakien. La piece est jouee depuis longtemps.

Restait a convaincre les opinions publiques, en majorite hostiles a la guerre. Ce fut le travail de Colin Powell. S'il a peut-etre convaincu l'eleveur du Minnesota, il aura sans doute laisse dubitatif le fermier europeen. Qu'importe. L'affirmation du ' leadership ' americain se moque des differences. Elle justifie toutes les croisades.

LOAD-DATE: February 6, 2003